La floraison de crises politique, sociale et économique en
Afrique pèse négativement sur le flux des Investissements directs
étrangers (Ide). La région de l'Afrique de l'Ouest, devenue zone à
risque infestée de foyers de guerres civiles, de coups d'Etats et de
troubles sociaux, semble en souffrir le plus. Pour preuve, la Cedeao
attire moins de 0,3% de l'Ide mondiale.
« Risque sociopolitique et investissements directs étrangers en
Afrique de l'Ouest ». C'est l'un des thèmes débattus lors du Forum de
réflexion et d'échanges sur l'investissement et l'environnement de
l'entreprise. Cette rencontre qui s'est tenue le vendredi 11 octobre
2013 à Dakar a permis à des chercheurs, universitaires, le secteur privé
et la société civile de démontrer l'impact négatif de l'instabilité
sociopolitique sur l'Investissement en général et l'Investissement
direct étranger (Ide) en particulier.
Posées par la fondation panafricaine TrustAfrica, le Centre de
recherches pour le développement international (Crdi) et l'Université
Cheikh Anta Diop de Dakar, les problématiques soulevées démontrent que
l'Afrique est un continent très instable car elle a connu entre 1970 et
2002, 35 guerres dont une majorité de conflits internes. Une situation
qui a impacté 20% de la population africaine et 15 pays.
Chérif Sidy Kane et Allé Nar Diouf, deux experts ayant menés une
étude sur la question, ont révélé que durant la décennie 2010, plusieurs
pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(Cedeao) ont connu des troubles politiques entrainant de graves
conséquences économiques et sociales. A leur avis, les pays qui ont du
mal à se frayer un chemin pour leur développement économique, sont
enfermés dans quatre types de pièges dont ils peinent à sortir. Avant de
souligner qu'il s'agit du cercle vicieux des conflits à répétitions, de
la malédiction des ressources naturelles, de l'enclavement ou la
proximité des voisins perturbateurs et la mauvaise gouvernance.
Moins de 0,3% de l'Ide mondial à la Cedeao
Étudiant l'impact des foyers de guerres civiles, des coups d'États et
des troubles sociaux durant les deux dernières décennies, sur les
investissements directs étrangers, M. Kane et M. Diop ont levé un coin
du voile sur une meilleure compréhension du lien entre les facteurs
extra économiques et ces types de capitaux, dans l'optique de donner des
pistes pour améliorer le climat des affaires.
Un tour d'horizon qui leur permet d'affirmer sans ambages que le
développement fulgurant des investissements directs étrangers, a quelque
peu ignoré l'Afrique, et dans une large mesure la Cedeao.
Citant le
rapport de la Cnuced de 2010, ils confient que les flux d'Ide allant à
l'Afrique sont retombés à 59 milliards de dollars, en repli de 19%
comparé à 2008 et la Cedeao n'attire que 0,3% de l'Ide mondial. Dans cet
espace géographique, soulignent les chercheurs, le Nigeria et le Ghana
reçoivent l'essentiel des investissements étrangers avec respectivement
38% et 18%. Deux pays qui sont suivis par la Côte d'Ivoire et le
Sénégal. Et pour les cas spécifiques du Nigeria, du Ghana et de la Côte
d'Ivoire, les universitaires font remarquer que les flux d'Ide
s'expliquent par le potentiel en ressources naturelles notamment le
pétrole et les minerais.
Ahmadou Aly Mbaye, Professeur d'économie à l'Ucad et doyen de la
Faculté des sciences économiques (Faseg) de rappeler que «
l'investissement est un pari sur l'avenir. On engage ses ressources, on
les immobilise et on attend un retour en contrepartie ». Le doyen de la
Faseg de souligner que beaucoup de pays sont en compétition dans le
monde en développement pour accueillir les investissements. « Les
capitaux bougent à un rythme extraordinaire. Donc avec tout frein, en
termes de risque politique ou d'autres facteurs, il est clair que les
conséquences sur l'investissement sont dévastatrices ».
M. Mbaye fait remarquer qu'en termes d'investissement, des facteurs
comme la sécurité, la stabilité politique et la rentabilité sont très
pris en compte. Avant de relever l'atout que constituent les minerais
sur l'environnement des affaires. « L'Angola, malgré les années de
guerre civile qu'elle a connu, a été le pays africain qui a le plus reçu
d'Ide parce que la rentabilité des investissements y est assuré ».
De la nécessité de redéfinir les paradigmes
Devant cet état de fait, Mansour Cama, représentant le secteur privé
sénégalais à ce forum appelle à une redéfinition des paradigmes. Il
s'est offusqué de la volonté affichée de certains pays africains qui
offrent les meilleures conditions aux investisseurs étrangers en
oubliant les investisseurs locaux. C'est ainsi qu'il interpelle les
autorités africaines sur la pertinence des indicateurs de croissance ou
de performance généralement copiés d'Europe ou des États-Unis et qui
sont appliqués dans nos pays.
A son avis, les universitaires doivent jouer leur rôle et avoir le
courage de remettre en question les termes ou concepts qui viennent de
l'extérieur. Il y a des préalables à donner aux termes comme émergence
ou croissance. Avant d'ajouter que la question du financement de
l'économie de nos pays doit être revue afin d'inciter les opérateurs
économiques et le secteur privé à prendre plus de risques et investir en
Afrique. Il appelle à une sécurisation de l'investissement privé tout
en administrant une justice équitable.
Face à cette interpellation, le Pr Ahmadou Aly Mbaye de préciser que
la vocation de l'université c'est de travailler la main dans la main
avec les décideurs du public comme du privé pour s'assurer que les
stratégies mises en place sont bien pensées, bien évaluées et dont les
impacts sont bien cernés. D'après cet universitaire, la meilleure des
recherches dans le domaine économique c'est que les résultats impactent
sur les décisions politiques.
Avant de fustiger le fait que : « Les décideurs politiques appliquent
ce qu'ils pensent être le mieux par rapport à ce qu'ils veulent faire.
Les universitaires ont pour rôle de donner l'information par rapport à
ce qui est jugé comme étant une bonne pratique. Une fois que cela est
fait, le décideur est seul à déterminer la voie à emprunter », se
désole-t-il.
Bacary Dabo
Source allafrica.com ( http://fr.allafrica.com/stories/201310151083.html?viewall=1)
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